lundi 26 septembre 2016

Bibliophilie Bourgogne Franche-Comté : Alésia. Etude sur la septième campagne de César en Gaule (1859). Exemplaire de dédicace offert par le Duc d'Aumale. Superbe reliure anglaise de maroquin signée Wright.


[DUC D'AUMALE, Henri d'Orléans.]

ALÉSIA. ETUDE SUR LA SEPTIÈME CAMPAGNE DE CÉSAR EN GAULE.

Paris, Michel Levy Frères, 1859 [imprimé à Paris chez Bonaventure et Ducessois].

1 volume in-8 (22,5 x 15 cm) de (4)-245 pages, avec deux cartes sur une planche dépliante.

Reliure de l'époque plein maroquin bleu nuit, dos à nerfs, double-filets dorés en encadrement des caissons du dos et en encadrement des plats, tête dorée, tranches non rognées. Double-filet doré en encadrement intérieur des plats. Les couvertures du brochage d'origine n'ont pas été conservées, gardes de papier marbré (reliure anglaise signée WRIGHT). Très bel exemplaire, très frais. Peu de rousseurs (ce qui est rare pour ce livre).

ÉDITION ORIGINALE EN LIBRAIRIE.

EXEMPLAIRE DE DÉDICACE AVEC UN HOMMAGE AUTOGRAPHE DU DUC D'AUMALE SUR UN PAPILLON RELIÉ DEVANT LE FAUX-TITRE (De la part de l'auteur, signé H.O.).



Ce texte du Duc d'Aumale, Henri d'Orléans (1822-1897), fils de Louis-Philippe d'Orléans, roi des français, est l'un des plus importants publiés sur cette question du site historique d'Alésia (bataille en 52 avant J. C. entre Jules César victorieux et Vercingétorix). Il avait paru l'année précédente dans la Revue des deux mondes (mai 1858). Le Duc d'Aumale évoque dans ce long article la controverse autour de la localisation d'Alésia : Alise, thèse officielle face à Alaise thèse des jurassiens. Il développe les critiques de Jules Quicherat sur la thèse officielle.

"Quel était l’emplacement de cette Alesia ? Une antique tradition, appuyée d’un solide mémoire de d’Anville, avait placé cette bourgade, ou mieux cette place forte (oppidum), à quatorze kilomètres est-nord-est de Semur, sur le sommet du Mont-Auxois, où s’élève une petite ville appelée encore aujourd’hui Alise. Depuis un siècle environ, tous les commentateurs de César, lettrés ou soldats, avaient accepté cette donnée comme un axiome et en avaient fait la base de leurs dissertations ; mais tout récemment, comme nous l’avons dit en commençant, de savans archéologues ont voulu enlever à la Bourgogne et revendiquer pour la Franche-Comté l’honneur de posséder sur son territoire le dernier boulevard de l’indépendance gauloise. S’appuyant de considérations philologiques, d’études et de découvertes faites sur les lieux, interprétant d’une façon nouvelle les passages obscurs ou incomplets des Commentaires, ils ont cru retrouver l’Alesia de Vercingétorix dans le petit village d’Alaise, situé dans le département du Doubs, à vingt-quatre kilomètres sud de Besançon et à onze kilomètres nord-est de Salins. Pour examiner cette question, il faut se placer à trois points de vue différons : 1° Le point de vue stratégique. Nous appellerons ainsi la discussion des opérations militaires qui ont amené les Gaulois dans Alesia et les Romains devant cette place. Est-il vraisemblable ou possible que cette série de mouvements se soit terminée dans le département du Doubs ou dans le département de la Côte-d’Or ? 2° Le point de vue topographique. Les descriptions du terrain données par César peuvent-elles s’appliquer au Mont-Auxois ou au massif d’Alaise ? Devant laquelle de ces deux positions ont pu être exécutés les travaux ou livrés les combats dont le récit nous a été conservé ? 3° Le point de vue purement archéologique et grammatical. L’interprétation savante, rigoureuse du texte de César et des auteurs anciens qui ont parlé des guerres des Gaules, notamment de Plutarque et de Dion Cassius, donne-t-elle raison à l’un ou à l’autre des deux partis ? Quelle est la valeur de ces textes ? Les traditions favorables à l’Alise bourguignonne doivent-elles être repoussées ? Dans ce que l’on connaît de la langue, de la prononciation des Celtes, de la géographie politique de la Gaule antéromaine, trouve-t-on de bons arguments à l’appui de l’une ou de l’autre opinion ? Existe-t-il sur les lieux des traces de travaux, des débris quelconques qui puissent servir de guide à un juge consciencieux ? Nous essaierons d’envisager successivement la question sous ces deux premiers aspects, stratégiquement et topographiquement ; nous le ferons dans la limite restreinte de nos lumières et sans avoir la prétention de faire autorité. Quant à la discussion archéologique, nous ne nous reconnaissons aucun droit d’y prendre part, et nous nous en abstiendrons le plus possible. Cependant nous serons obligé, et même dès le début, d’effleurer la partie littéraire et grammaticale du différend. [...] Ainsi nous ne sommes plus obligé d’envoyer Vercingétorix se poster et se retrancher prématurément au fond de la Séquanie. Il reste à Autun, entouré des députés de la Gaule entière, expédiant partout des ordres, dirigeant les attaques prescrites contre la Province, recevant chaque jour de nouveaux détachements, organisant son armée. Quelques marches seulement le séparent du territoire ennemi ; mais à mesure que ses forces grossissent, il se trouve trop loin des Romains, trop ignorant de leurs mouvements. La ville même d’Autun lui semble trop exposée, et puis le terrain qui l’entoure est peu propre à l’emploi de sa cavalerie, dont il compte surtout se servir. Il est là comme enveloppé par les montagnes du Morvan et de la Côte-d’Or. Or du point de jonction de ces deux chaînes se détache une sorte de promontoire qui s’avance au milieu d’un pays relativement plat et découvert. Ce pâté montagneux, où se cachent les sources de la Seine, appartient aux tribus confédérées et forme comme une enclave dans le pays des Lingons. Il se termine par une position naturellement forte, qu’on appelle aujourd’hui le Mont-Auxois, et où se trouve la petite ville d’Alise, que nous considérons en ce moment comme l’Alesia de César. Vercingétorix dut reconnaître dans cette position des avantages divers qui devaient et séduire un chef barbare et frapper un esprit aussi élevé que le sien. Elle était peu éloignée d’Autun (dix-huit lieues). Avec quelques travaux, on pouvait en faire un lieu presque imprenable, et y assurer, en cas de revers, un asile sûr à des troupes nombreuses, qui, sans péril pour elles-mêmes, y attireraient l’attention de l’ennemi et y retiendraient ses forces. Tout autour se croisaient les routes que pouvait suivre César : au sud et à l’ouest, la vallée de l’Yonne et de ses affluens ; au nord-ouest et au nord, le plateau ondulé sur lequel coulent les eaux naissantes de l’Aube et de la Seine ; à treize lieues dans l’est, derrière un rideau qui est peut-être le point le plus bas de l’épine dorsale de l’Europe, la vallée de la Tille et de la Saône. Enfin il n’était pas de situation où l’armée gauloise pût être mieux placée pour attendre en sûreté, couvrir toutes les routes, observer les Romains, et, quelle que fût la direction qu’ils prissent, s’approcher d’eux pour commencer le genre de guerre adopté. Que l’on jette les yeux sur la carte, que l’on suppose César placé en un point quelconque d’un triangle dont les sommets seraient à Sens, Vitry et Langres : je ne crois pas que l’on puisse trouver une position qui réunisse mieux qu’Alise toutes les conditions que nous venons d’indiquer. César ayant trouvé les Gaulois déjà retranchés sous cette place, lorsqu’ils n’avaient pu y rentrer que peu d’heures avant son arrivée, il est loisible de supposer que Vercingétorix avait fait travailler à Alesia, qu’il y avait fait réunir des approvisionnements de tout genre, qu’il y avait envoyé une partie de ses troupes, et peut-être s’y était porté lui-même. Assurément, pour prendre un parti pareil, il fallait à Vercingétorix beaucoup moins de cette subtilité d’esprit qui n’a que les apparences de la profondeur, beaucoup plus de bon sens, à notre avis du moins, et beaucoup plus de persévérance dans sa résolution première, que pour aller d’avance se poster en Séquanie avec l’espoir d’enfermer César dans un cercle de Popilius et l’intention de lui livrer bataille. Le silence gardé par l’auteur des Commentaires ne nous étonnerait pas, car rien ne l’obligeait à nous informer d’un mouvement qui ne déplace pas le théâtre de la guerre, et qui n’implique pas un changement radical dans les plans de son adversaire. [...] Le résultat de ce premier examen est donc, à notre avis, entièrement favorable à l’Alise bourguignonne." (extrait)

En 2016 la polémique sur le lieu de l'Alésia de César et Vercingétorix continue à faire rage ...

Provenance : Bibliothèque E.J. (?) avec les initiales dorées en queue du dos et le monogramme E.J. à l'encre en pied de la page de titre.

Notre exemplaire est un des ces exemplaires de présent richement reliés en Angleterre pendant son exil et offerts par le Duc d'Aumale à ses amis et relations les plus proches. Militaire de premier ordre, il succède à Bugeaud comme gouverneur général de l'Algérie le 21 septembre 1847. Le 24 décembre 1847, à Nemours, près de la frontière marocaine, il vient recevoir la reddition d'Abd el-Kader. Il se démet de ses fonctions après la Révolution de 1848 et s'exile en Angleterre (24 février 1848) où dès la mort de Louis-Philippe Ier (1850), il s'installe à Orleans House, près de Twickenham. Durant cette période, il s'adonne à l'écriture de récits historiques. Il est notamment l'auteur d'une Histoire des princes de Condé et de recherches sur La Captivité du roi Jean et Le Siège d'Alésia, ainsi que d'études sur Les Zouaves, Les Chasseurs à pied et L'Autriche, parues dans la Revue des deux Mondes. Il tente un retour en France dès septembre 1870 mais doit finalement retourner en Angleterre. Il est finalement réintégré dans l'armée en 1872. Il subit la seconde loi d'exil de 1886 (Boulanger) et est expulsé vers la Belgique. Il revient finalement après juin 1889. Il meurt en 1897. Le Duc d'Aumale était grand bibliophile et collectionneur, très riche, rien ne résistait à ses envies. Sa très riche bibliothèque et ses collections formant musée sont ouverts au public, suivant sa volonté, dès avril 1898.

La très belle et sobre reliure anglaise par John Wright est parfaitement conservée. Le Duc d'Aumale utilisait les services des plus grands relieurs de son époque, en France comme en Angleterre. "A binder of the highest order" (Ramsden, London Bookbinders, p. 154.).

SUPERBE EXEMPLAIRE.

VENDU - Prix : 1.200 euros